de Cyril GÉLIY et Eric ROUQUETTE
Mise en scène de Tristan PETITGIRARD

Avec
-Davy SARDOU, dans le rôle d’Auguste Maquet,
-Xavier LEMAIRE, dans le rôle d’Alexandre Dumas père,
-Thomas SAGOL, dans le rôle de Mulot.

 

En 1848, Alexandre Dumas est à son apogée. IL travaille avec son fidèle collaborateur, Auguste maquet, et ils forment ensemble le recto et le verso des pages qui passionnent les lecteurs du monde entier… Pourtant, quand éclate une querelle entre les deux hommes, une question cruciale se pose : quelle est la part exacte de l’un et de l’autre dans cette grande réussite ? Lequel des deux est le père de d’Artagnan et de Monte-Crristo ? Et si c’est Dumas qui signe, jusqu’où Maquet peut-il, lui aussi, prétendre être l’auteur de ses œuvres ?

Si la signature de Dumas est passée à la postérité, celle de Maquet est très méconnue.

La grande force de ce texte est qu’au-delà de la personnalité hors norme d’Alexandre Dumas et de la problématique de la paternité d’une œuvre, elle traite du besoin de reconnaissance.

Voici campée la dualité entre Dumas et Maquet, deux hommes que tout oppose :

D’un côté, le truculent Alexandre Dumas, homme public, haut en couleur, passionnément scandaleux dans sa manière de vivre. A cela s’ajoutait l’instinct, la folie, l’invention, la démesure de Dumas.

De l’autre, le discret Auguste Maquet, son écrivain-fantôme (comme disent les Anglais) qui préférait  rester enfermé dans son bureau plutôt que de paraître au monde. Maquet était aussi un grand lettré, très érudit, qui, à 8 ans, pouvait réciter par cœur les 123 fables de Phèdre. Il était réfléchi, méticuleux, structuré, extrêmement travailleur, Dumas était le génie mais aimant beaucoup trop les plaisirs de la vie.

Cette fusion de rigueur et d’explosion a donné lieu à certaines des pages les plus passionnantes de la littérature française.  Mais là où la situation devient théâtrale, conflictuelle, c’est que Dumas ne le reconnaissait pas. Le génie sans travail n’est rien.

Et chacun peut se reconnaître dans une situation que Marquet a accepté de subir depuis trop longtemps et qui soudainement lui devient insupportable. Un besoin d’exister qui devient irrépressible. Mais comme dans un couple, Dumas est bien trop confortable dans cet arrangement pour accepter qu’il soit remis en cause. Il est prisonnier de son image et a fini par se mentir à lui-même.

Ils ont écrit ensemble « Les trois mousquetaires », « le comte de Monte-Cristo », « 20 ans après, la suite des trois mousquetaires », « La reine Margot », « Le Vicomte de Bragelonne » et tant d’autres… soit les plus grands succès de Dumas.

La grande intelligence des auteurs, réside aussi dans le choix de l’élément déclencheur du conflit entre les deux hommes. Ils situent en effet l’action de la pièce le 24 février 1848. Dumas est alors à son apogée. Il a fait construire son théâtre (le théâtre historique) et son château à Port-Marly. Mais ce jour de 1848, l’abdication de Louis Philippe face à une nouvelle révolution va bouleverser les relations entre Dumas et marquet. Prenant le parti de la régence plutôt que de la république, Dumas veut envoyer un courrier en ce sens à l’Assemblée. Maquet refuse, lui qui a bien senti et compris la révolte de la rue. Il s’oppose formellement à Dumas, cela mettrait en danger « nos intérêts », lui dit-il ; cette forme possessive « nos » et ce refus vont être le point de départ de la discorde.

L’habileté des auteurs se retrouve dans cette résonance de la petite et de la grande histoire. Comme un clin d’œil aux œuvres de «Dumas-Maquet» qui utilisaient fréquemment cette mise en perspective.

Le plaisir de cette pièce est de se replonger visuellement dans le 19e siècle. Les comédiens sont les parfaits sosies des personnages qu’ils incarnent. Cette opposition complémentaire, comme le rappelle Tristan Petitgirard, avec Davy Sardou et Xavier Lemaire.   Toute la truculence de Dumas et son extravagance trouvent une formidable résonance avec Xavier Lemaire. Et son étonnante ressemblance physique avec le personnage, ainsi que son sens théâtral, donnent tout le relief au monument Dumas. Pour Maquet, Davy Sardou a cette force de pensée très intense nécessaire au personnage. Cet art de déclencher une réplique tendue comme un arc, de vivre le conflit intérieur, de contenir une émotion pour la laisser exploser en se révoltant.

Et puis, autre ressort essentiel de la pièce, le Sergent Maréchal des logis Mulot, incarné par Thomas Sagols. Comme le rappelle Tristan Petitgirard, Mulot est une sorte de Gavroche, qui arrive de Paris avec la lourde charge d’annoncer les grandes nouvelles à Dumas à Port-Marly : l’abdication de Louis Philippe, puis la proclamation de la république. La gouaille et la verve de Thomas Sagols font merveille dans ce personnage.

Cette pièce de théâtre vivant est un pur régal pour les amateurs d’histoire et de littérature françaises. La mise en scène soignée, le jeu des comédiens, musique, décors et costumes, tout contribue à mettre le spectateur en liesse. On y apprend beaucoup, sur les hommes et sur l’histoire et donne envie de se replonger dans l’œuvre magistrale de Dumas-Maquet.

Les deux auteurs Cyril Gély et Eric Rouquette, ont saisi sur le vif, et ciselé un texte avec des réparties et des attaques dévastatrices pour ce duel de plumes, cette cruauté portée à son paroxysme dans cette chronique d’une rupture annoncée.

Mentions : photos © LOT

Théâtre LA Bruyère
5, rue La Bruyère, 75009 Paris
Métro Saint-Georges
Représentations du mardi au samedi à 21h, matinée le samedi à 15h30
Renseignements et réservation   au guichet de 11h à 19h du lundi au samedi
Tél : 01 48 74 76 99

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