L’article 1 de la loi n°2015-177 du 16 février 2015 avait autorisé le recours par voie d’ordonnance à la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.Cette réforme du code civil par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est applicable aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016.

 

Le projet de loi ratifiant l’ordonnance est examiné depuis le 17 octobre 2017. Après son adoption en 2e lecture par l’Assemblée nationale, il fait l’objet d’un rapport de la Commission mixte paritaire, chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Son rapporteur, le député Sacha HOULIÉ, a rappelé que « Trois phénomènes ont en réalité concouru à la rénovation du droit des contrats et des obligations en France à partir des années 2000 et justifié ces différents projets.

Le premier est le mouvement de codification ou de recodification des codes civils nationaux dans de nombreux pays à cette époque (Argentine, Québec, Brésil, Pays-Bas, Roumanie, Allemagne…), accentuant le vieillissement du code civil français.

Le deuxième phénomène est l’élaboration de projets d’harmonisation du droit des contrats au niveau européen, en particulier les « Principes du droit européen du contrat », sous la direction de M. Olivier Lando (dits « principes Lando »),

Le troisième phénomène est le renforcement de la prise de conscience d’une concurrence normative entre les droits, en raison de la hiérarchisation des droits nationaux effectuée par la Banque mondiale.

La conjugaison de ces trois phénomènes a incité notre pays à se doter d’un droit écrit des contrats plus lisible et prévisible, rédigé dans un style plus accessible et présenté de manière plus claire et didactique, afin d’attirer les investisseurs étrangers et les opérateurs souhaitant rattacher leurs contrats au droit français ».

Trois innovations essentielles viennent « révolutionner » ce code Napoléon, marquant ainsi sa mise à jour après 214 ans d’existence :

1-La protection du cocontractant le plus faible

2-L’abus de dépendance

3-L’imprévision

 

1-La protection du cocontractant le plus faible.

 

Cette disposition est rappelée dans le code de la consommation (article 212-1) et dans le code du Commerce (2° du I de l’article L.442-6) pour la lutte contre les clauses abusives dans les contrats entre un professionnel et un consommateur et dans ceux entre partenaires commerciaux.

Ainsi, l’article 1190 du nouveau code civil précise que dans ce type de contrat, en cas de doute, les dispositions doivent être interprétées contre celui qui l’a proposé, c’est-à-dire au bénéfice de celui qui a adhéré. Il s’agit d’une règle jumelle de celle édictée par le code de la consommation au profit du consommateur.

 

2-L’abus de dépendance.

Ce texte assimile la violence (dite économique) à un vice de consentement, retracé par un arrêt de la Chambre des requêtes de la Cour de Cassation, rendu le 27 avril 1887 (affaire Lebret C/ Fleischerconsulter l’arrêt): le capitaine d’un navire à vapeur danois, le « Rolf » qui avait fait une promesse à un remorqueur, d’une rémunération exagérée devant les dangers d’un naufrage était-il bien fondé à contester son engagement après le remorquage, en arguant sur le caractère libre, ou non, du consentement : «lorsque le consentement n’est pas libre, qu’il n’est donné que sous l’empire de la crainte inspirée par  un mal considérable et présent, auquel la personne ou la fortune est exposée, le contrat intervenu dans ces circonstances est entaché d’un vice qui le rend annulable ».

Le 3 avril 2002, dans l’affaire Kannas/société Larousse Bordas, la Cour de Cassation (civ 1ère, pourvoi n°00-12932) énonce que seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement.

Les articles 1142 et 1143 du nouveau code civil confirment qu’il y a violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, ou un tiers, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte.

La portée de ce texte est plus large puisqu’elle vise toutes les dépendances (notamment celles visées par la violence psychologique ou sentimentale), afin de protéger les personnes vulnérables.

 

3-L’imprévision.

 

Comme l’admet la jurisprudence administrative, l’article 1195 du nouveau code civil introduit la notion d’imprécision dans le droit des contrats français.

Celle-ci va à l’encontre du célèbre arrêt « Syndicat des arrosants de Pelissanne C/ de Gallifet et les autres », plus connu sous les termes « Canal de Craponne », rendu le 6 mars 1876 par la Chambre civile de la Cour de Cassation (consulter l’arrêt)

Dans ce différend, des contrats conclus au 16esiècle obligeaient le propriétaire d’un canal d’irrigation à fournir de l’eau à la Plaine moyennant redevance périodique. À la fin du 18ème siècle, celle-ci étant devenue purement symbolique, suite à la dépréciation monétaire, le propriétaire demanda aux tribunaux la révision à la hausse du taux fixé trois siècles auparavant. Si la Cour d’Appel d’Aix fut favorable au demandeur, la Chambre civile cassa la décision au motif de l’intangibilité des contrats, rappelant dans ses attendus « que, dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse apparaître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ;

Qu’en décidant le contraire et en élevant à 30 centimes de 1834 à 1874, puis à 60 centimes à partir de 1874, la redevance d’arrosage, fixée à 3 sols par les conventions de 1560 et 1567, sous prétexte que cette redevance n’était plus en rapport avec les frais d’entretien du canal de Craponne, l’arrêt attaqué a formellement violé l’article 1134 ci-dessus visé ;

Par ces motifs, casse, dans la disposition relative à l’augmentation du prix de la redevance d’arrosage, l’arrêt rendu entre les parties par la Cour d’appel d’Aix le 31 décembre (1873).

Monsieur Sacha HOULIÉ, citant la phrase de Monsieur Denis MAZEAUD, rappelle que l’abandon de cet ancien article 1134, constitue « une véritable révolution contractuelle, en ce qu’elle porte une atteinte frontale au principe cardinal de non-ingérence du juge dans le contrat, au nom d’un impératif de justice ».

Dans son rapport, la Commission mixte maintien la disposition de l’article 1195 qui donne au juge le pouvoir de révision du contrat, à la demande d’une des parties.

Néanmoins, elle confirme l’exclusion du régime de l’imprévision pour les contrats relatifs aux instruments financiers.

En conclusion, ce projet de loi dont le rapport de la Commission mixte paritaire vient d’être déposé le 14 mars 2018 par les rapporteurs de l’Assemblée et du Sénat, pour ratification.

Il est précisé dans son article 15 que la loi entrera en vigueur le 1er octobre 2018, dont les dispositions seront applicables aux actes juridiques établis à cette date.

Nous aurons l’occasion de revenir sur cette loi et les évolutions constatées par l’application des dispositions des articles de ce nouveau code civil.

 

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