LIBÉRATION DE PARIS : LA 2e DB EN PREMIÈRE LIGNE
Chaque année, le 25 août, la Mairie de Paris commémore la libération de la capitale avec l’entrée des forces de la deuxième Division blindée commandée par le général LECLERC et la 4e division d’infanterie américaine, les 24 et 25 août 1944.
Le 24 août il décide d’envoyer un message d’encouragement aux combattants de la préfecture de Police : « Le général LECL
ERC vous fait dire : tenez bon, nous arrivons. » Le message est jeté dans l’après-midi sur la préfecture de police par un Piper-club (avion de reconnaissance) piloté par le commandant de la 25e section d’observation d’aviation d’artillerie, le capitaine Jean CALLET[efn_note] Après la guerre, il a occupé plusieurs postes à responsabilité dans des cabinets ministériels ou à l’État-major avant d’être adjoint au Gouverneur militaire de Paris en 1971. Général de Corps d’armée, il est décédé le 14 décembre 1999[/efn_note] , accompagné du lieutenant Etienne MANTOUX, observateur d’artillerie de l’unité.
Voici-ci dessous, son témoignage en 1998 ,extrait de « 24 heures pour Paris », un documentaire de Georges Mourier, 1998.
© Collection Georges Mourier Droits réservés
La fameuse Colonne DRONNE
Le nom du capitaine Raymond DRONNE est fortement lié à la libération de Paris, le 25 août 1944. Commandant la 9e compagnie «la Nueve » de la 2e Division Blindée Leclerc (DB), il entre le premier dans Paris le soir de cette journée dont le récit de ses carnets [efn_note]Raymond Dronne, Carnets de route d’un croisé de la France libre, France-Empire, 1984[/efn_note] rapportent les faits suivants : «le général Leclerc me dit : «Allez, filez sur Paris, passez n’importe où, mais entrez à Paris ce soir, il le faut pour le moral de la population et de la résistance». Je pris immédiatement les éléments de ma compagnie que j’avais sous la main : les sections Elias et Campos, la section de commandement et l’élément de dépannage. Le général Leclerc me fit donner en renfort une section de chars du 501 réduite a trois chars (elle venait d’en perdre deux) et une section du génie qui se trouvaient a proximité. La section du génie était commandée par l’adjudant-chef Cancel et la section de chars – avec les chars «Montmirail », « Champaubert » et « Romilly »- par un garçon de grande classe, « père blanc dans le civil », le lieutenant Michard, qui devait être tué quelques mois plus tard en Alsace.[…] La colonne, improvisée rapidement démarre alors qu’il n’est pas 20 heures. Nous contournons la prison de Fresnes, devant laquelle mon camarade Dupont va être mortellement blessé. Officier d’active d’une grande valeur technique, d’une valeur morale plus grande encore, possédant des dons extraordinaires de rayonnement et d’ascendant, le capitaine Dupont était un des espoirs de l’armée française.
À toute vitesse, passant là où nous trouvons le vide, nous traversons L’Hay-les-Roses, Arcueil, Cachan, Le Kremlin-Bicêtre, Bagneux. Partout la population se précipite sur notre route et nous fait un accueil enthousiaste. […]Où aller ? Pas d’hésitation : au Cœur de Paris, à l’Hôtel de Ville, symbole des libertés parisiennes, de façon, dès ce soir, à bien « marquer le coup ». Un nouveau guide, à motocyclette, nous y mena par l’avenue d’Italie, la rue de la Vistule, la rue Baudricourt, la rue Nationale, la rue Esquirol, le boulevard de l’Hôpital, le pont d’Austerlitz, le quai de la Rapée, le quai Henri IV, le quai des Célestins, le quai de l’Hôtel de Ville. J’ai noté l’heure. Il était exactement 21 heures 22 – à l’heure allemande – lorsque nous débouchâmes sur la place de l’Hôtel de Ville. Le jour se mourait.[…] À notre passage, la « Marseillaise » jaillissait, une « Marseillaise » formidable. Nous avions l’impression quelle couvrait la ville. Tout d’un coup, les cloches de Paris se mirent a sonner. Toutes les cloches de Paris, les unes après les autres, puis toutes ensemble. J’entends encore leur musique toutes les fois que j’y pense.»

Equipage : Chef de char : Adjudant Henri Caron (tué à Paris le 25 août 1944), remplacé par le Sergent André Peseux (blessé le 30 septembre 1944), Pilote : Caporal-Chef François Jaouen, Tireur : Caporal Pierre Coatpehen, Aide pilote : 2e classe François Collon, Radio-chargeur : 2e classe Roland Hoerdt, remplacé à Paris par Jean Devalroger.
Le journal Franc-Tireur titre , le vendredi 25 août 1944, dans ses colonnes « »Me voici chez moi » déclare le capitaine DIONNE (NDLR -au lieu de DRONNE) premier officier français arrivant à l’Hôtel de Ville […] 9heures 30 du soir, le 24 août. Moment historique. Un capitaine français, gravit l’escalier d’honneur qui, devenu escalier de guerre, est nu et dépouillé de son tapis. Sous son képi, on voit un visage brun, hâlé de soleil, cuit, barbu, poussiéreux, sale, ruisselant de sueur, splendide. C’est le capitaine Dionne, de l’infanterie coloniale. […] Et c’est bien alors que Georges BIDAULT, président du Comité national de la Résistance, parle d’une voix coupée d’émotion : – Président du Comité de la libération, je salue en vous, mon capitaine, les soldats en uniforme qui sont venus rejoindre ici, centre historique des libertés françaises, les soldats sans uniforme qui ont libéré Paris. – Ce sont les soldats sans uniforme, répond le capitaine, qui ont eu le mérite de délivrer la patrie. Vive la France! Vive de Gaulle».
L’article se poursuit sur l’arrivée à la préfecture de Police : Une grande clameur… Un soldat français entre, le premier soldat, dans la citadelle de Paris. C’est le soldat PIRIMIN, du 3e R.N.T. de la 2e division blindée. C’est un Niçois qui a fait toute la campagne d’Afrique. Et voici le capitaine DIONNE. Minute inoubliable […]»
9e compagnie «la Nueve » de la 2eDB : Ces soldats espagnols presque oubliés!
Le 26 janvier 1939, l’armée franquiste entre dans Barcelone. L’exode des républicains vers la frontière française a entrainé des milliers d’espagnols à fuir leur pays. Cette retraite – la Retirada – vers la France, leur semble se transformer en terre d’asile ; mais l’afflux d’un demi million de réfugiés peut-il être absorbé par le pays?
Dans LE JOURNAL du 29 janvier 1939[efn_note]article de LOUIS WALTER[/efn_note], il est rapporté que : «PERIGNAN, 28 janvier. – L’afflux des réfugiés a continué tout le jour. Sous le ciel griss et triste du Roussillon, sous le ciel neigeux de la Cerdagne, ils envahissent la frontière qui, sur plusieurs points. est déjà fissurée. Au fond des Pyrénées-Orientales, devant Bourg-Madame, et qui ont renoncé à se battre. Ces hommes, affamés, hagards, sont massés sur les pentes du piton où est construit Puigcerda, prêts à entrer en Franoe.
Plus à l’est, à Prats-de-Mollo, la garde-frontière elle-même, carabiniers avec armes, bagages et familles, a dégringolé la montagne et s’est fait arrêter par les gardes et les gendarmes du Perthus. Près d’un millier de civils et 200 soldats en armes sont entrés dans la nuit. Trois autres mille devaient suivre au long de la journée … À Cerbère, le tunnel international a servi d’abri à une grouillante cohue de trois à quatre mille réfugiés, et des villages du cap Béar on aperçoit une flottille de chalutiers qui se dirigent vers les ports français. Trois d’entre eux entrent même à Port-Vendres et y déposent 66 fuyards. En. même temps. le torpilleur Simoun, débarque aussi 115 rapatriés qu’il ramène de Caldetas.
Contre l’envahissement
Devant cette ruée en formation massive, le dispositif militaire joue à plein. Nous devons même espérer qu’il jouera rapidement, sinon nous allons assister à un envahissement sans précédent. Les mesures prises sont les suivantes : trois compagnies du 24e régiment de tirailleurs sénégalais de Perpignan embarquées par trains spéciaux, ont été envoyées sur les points les plus menacés : Cerbère, le Perthus et Prats-de-Mollo.
Au Perthus, les Sénégalais ont amené dans une métairie les soldats espagnols que les gardes ont désarmés et les tiennent sous la garde de leurs baïonnettes. À Bourg-Madame est arrivé en même temps un bataillon d’infanterie sur pied de guerre et un escadron motorisé du 20e régiment de dragons de Limoges. Un autre escadron du même régiment est attendu pour faire la liaison entre le Perthus et le Boulou, car dans ce dernier village, on a installé la gare régulatrice du rapatriement.
Les médecins – civils et militaires – aidés par des infirmières de la Croix-Rouge appartenant à la section do l’Union des femmes de France, vaccinent les arrivants. les auscultent, leur font procéder à quelque toilette, les nourrissent et les embarquent dans des trains chauffés.
C’est ainsi qu’un premier convoi est parti à l’aube, emportant vers Narbonne 300 réfugiés. Les dispositions suivantes ont été prises pour assurer l’évacuation par les gares du Boulou et d’Elne ; quatre départs ont été prévus pour la journée :
10 h. 15, 15 heures, 22 et 23 heures. Les 1.000 premiers arrivants sont dirigés sur Nevers, les suivants – par convois de 500 – sont expédiés vers l’est, vers Nîmes ou sur l’ouest et le Centre, vers Montauban, Agen, Poitiers et Bourges.»
Une politique sanitaire drastique
Avec cet afflux de réfugiés, la France se devait de renforcer sa politique sanitaire, au plus tôt. Dans L’Ouest-Eclair du 2 février 1939, il était rappelé que les ministres français continuant leur inspection, amplifient les mesures d’hygiène et de protection : «Par un temps magnifique et vraiment printanier, MM Alebert SARRAUT[efn_note]Albert SARRAUT est ministre de l’Intérieur du 12 avril 1938 au 20 mars 1940[/efn_note] et Marc RUCART[efn_note]Marc RUCART est ministre de la Santé publique du 10 avril 1938 au 20 mars 1940[/efn_note] ont poursuivi leur voyage d’inspection de Perpignan jusqu’à Cerbère, en passant par les installations sanitaires ou les camps de réfugiés de la Côte Vermeille, notamment en visitant l’un de ces derniers édifié par la garde mobile à Argelès-sur-Mer, et qui semble devoir devenir le centre de concentration le plus important de la région.
Les quais de la gare de Cerbère sont toujours abondamment garnis par une foule de réfugiés qui attendent patiemment, dans un ordre relatif, leur tour de départ vers les provinces françaises. […] Que pouvons nous dire de nouveau sur cette lamentable cohue? C’est toujours le même ramassis bigarré de femmes éplorées et de chétifs enfants, vautrés au milieu de ballots gonflés à bloc, de valises boursouflées à en crever et tout un attirail composé des objets familiers les plus imprévus et les plus hétéroclites.
Mais il importe de souligner que les méthodes d’évacuation sont désormais presque parfaitement au point et qu’elles fonctionnent sur un rythme et dans une discipline satisfaisants.
La surveillance, l’identification, le contrôle des asiles, le désarmement des miliciens blessés, le strict refoulement des hommes valides, le transit des déserteurs sollicitant leur rapatriement vers Hendaye et les armées de Franco, sont autant de rouages délicats tournant à plein régime autour de trois axes administratifs principaux : ravitaillement,hébergement et hospitalisation.

Hélas ! au passage des frontières, les gangréneux, les tuberculeux ont été enregistrés par centaines, et les typhiques sont aussi entrés en France avec la douloureuse cohorte des premières heures. Des cas de contzagion sont heureusement dépistés d’heure en heure. de sévères mesures de prophylaxie s’imposaient donc. Elles ont été prises et le ministre de la Santé publique s’est attaché surtout à contrôler leur efficacité[…]»
«[…]L’afflux des émigrés a été tel dans la panique et la débandade du premier moment qu’il n’a pas été possible d’appliquer partout certaines précautions : vaccination, épouillage. C’est une chose dont se préoccupe M.Ruccart et dans la mesure où cela sera possible il va s’employer à faire pratiquer sur place des mesures préventives.
«M. Rucart a donné des ordres pour la constitution de stocks de sérums et de vaccins dont la provision existante doit être journellement renouvelée. […]»
L’instauration de cette politique sanitaire visant les réfugiés espagnols donnera lieu à des circulaires ministérielles recommandant une vaccination la plus large possible, et des visites sanitaires de contrôle et de soins «fréquentes et mêmes quotidiennes pendant la période d’installation dans les camps, en raison de l’état précaire des réfugiés et la nécessité de prévenir l’importation dans notre pays des maladies contagieuses[…]».
Deux missions internationales établiront en mai 1939 un rapport sur les camps des réfugiés espagnols[efn_note]DEUX MISSIONS INTERNATIONALES VISITENT LES CAMPS DE RÉFUGIÉS ESPAGNOLS – MAI 1939 – COMITÉ INTERNATIONAL DE COORDINATION ET D’INFORMATION POUR L’AIDE À L’ESPAGNE RÉPUBLICAINE – Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France [/efn_note], dont certains sont loin de remplir les conditions de salubrité acceptable[efn_note]Pour plus d’informations : Mémorial du camp de Rivesaltes –Mémorial du camp d’Argelès-sur-Mer [/efn_note].